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Effet biocide du cuivre sur les biomasses



L’effet antibactérien et, de façon plus générale, l’effet biocide du cuivre est connu et exploité depuis longtemps. Il est attribué aux ions cuivriques Cu(II) formés par oxydation du cuivre métallique. Le sulfate de cuivre est notamment utilisé pour la protection des cultures agricoles, pour limiter la prolifération des algues dans les réserves d'eau, etc. Des peintures à base de sels de cuivre sont appliquées sur la coque des navires pour limiter les bioincrustations.



La toxicité du cuivre en excès est attribuée à son aptitude à catalyser des réactions d’oxydoréduction, conduisant à la formation d’espèces moléculaires très réactives pouvant par exemple causer la peroxydation des lipides membranaires. Le cuivre, en se liant à certaines protéines, pourrait aussi entraîner leur dénaturation. Mogilnaya et al. ont suivi la formation de biofilm par des bactéries soumises aux effets de deux facteurs de stress : un milieu salin et des ions cuivriques. Les biofilms sont constitués après cultures des cellules dans des tubes en verre de 20 mL contenant 10 mL d’eau de mer artificielle avec différentes concentrations de NaCl et de Cu2+, les tubes n’étant pas agités pendant 21 jours à 22°C.

Les résultats montrent que 250 mg/L d’ions cuivriques inhibent la formation de biofilm en monocultures des souches étudiées sauf Acinetobacter seule espèce capable de proliférer à ces concentrations en biocides. Par comparaison, la formation de biofilms est affectée plus fortement par la présence d’ions cuivriques que par les concentrations de NaCl.

Zhang et al. ont évalué l’impact du cuivre sur les biofilms en examinant différents paramètres, incluant le pH, l’oxygène dissous, les concentrations en substrat, la sécrétion de substances polymériques extracellulaires (EPS) et la fixation du cuivre dans la biomasse.

Quatre réacteurs tournants supports de biofilms ont été utilisés. L’un des réacteurs témoin produit des biofilms en absence de cuivre, tandis que les autres sont alimentés avec trois niveaux de contamination cuivrique différents (100 ppb, 200 ppb et 500 ppb) sur une période prolongée de plus de 30 jours. Les biofilms sont prélevés périodiquement pour déterminer le contenu en biomasse totale et les concentrations en EPS. De plus la structure génétique de la communauté microbienne a été analysée par la méthode de typage moléculaire ARISA (Automated Ribosomal Intergenic Spacer Analysis) dans les biofilms non exposés et exposés au cuivre.

Les résultats montrent que le cuivre inhibe la production d’EPS à tous les niveaux de contamination de cuivre étudiés (100 ppb, 200 ppb, et 500 ppb) comparé aux concentrations en EPS dans le réacteur témoin (Figure ci-après). Ils observent toutefois une chute régulière des protéines mais une stabilité des effets sur les polysaccharides en fonction de l'augmentation de la concentration en cuivre ajoutée. Les EPS-polysaccharidiques sont inhibées à 30-54%, les EPS-protéiques à 11-39 %, et l’inhibition des EPS totaux se situe entre 28 et 39%.

Impact du cuivre sur la production d’EPS (Polysaccharides et protéines)
Impact du cuivre sur la production d’EPS (Polysaccharides et protéines)


La baisse de la teneur en cuivre dans le milieu liquide (cuivre total et cuivre libre) correspondant au piégeage par les biomasses augmente avec la dose de cuivre ajoutée :

Baisse de la teneur en cuivre dans la phase liquide en fonction de la dose ajoutée
Baisse de la teneur en cuivre dans la phase liquide en fonction de la dose ajoutée


L’accumulation du cuivre dans les biomasses est plus importante dans les biomasses fixées que dans la biomasse en suspension ce qui est assez logique compte tenu de la plus forte biomasse développée sur les surfaces :

Accumulation de cuivre au sein des biomasses libres et fixées
Accumulation de cuivre au sein des biomasses libres et fixées


A la teneur de 100 ppb, les biofilms accumulent 126 fois plus de cuivre que la biomasse en suspension. La différence d’accumulation entre films fixés et biomasse en suspension diminue aux plus fortes teneurs introduites dans le réacteur (on passe alors de 126 à 21 fois plus de cuivre dans les films fixés à 500 ppb). Deux explications peuvent justifier cette différence : la première est que les biofilms restent dans le système pour une plus longue période alors que le temps de rétention pour la suspension de biomasse n’est que de 110 minutes. La seconde est que la biomasse en suspension provient principalement des biofilms détachés, ce qui explique pourquoi la différence devient minime à 500 ppb de concentration en cuivre.

En général, l’accumulation de cuivre dans les biofilms est plutôt faible pour les trois niveaux de contamination en cuivre étudiés (∼ 1%, Figure précédente). Ceci semble correspondre avec l’inhibition de la production d’EPS.

Les profils ARISA des communautés bactériennes des biofilms non exposés et exposés au cuivre révèlent des différences qualitative et semi-quantitative dans leur composition. Chaque pic ARISA représente le polymorphisme de la longueur entre deux gènes (IGS) et, en général, une souche ou espèce bactérienne distincte. Dans cette expérience, les bactéries représentées par le pic ARISA à 584 bp ne sont pas détectables dans les biofilms sans cuivre, mais sont importantes dans les échantillons exposés au cuivre. Ces résultats montrent que l’exposition à 200 ppb de cuivre sélectionne des populations microbiennes spécifiques qui sont capables de tolérer ce stress.

Comparaison de profils ARISA de communautés microbiennes de biofilms traités au cuivre et témoin
Comparaison de profils ARISA de communautés microbiennes de biofilms traités au cuivre et témoin


Plusieurs équipes de chercheurs ont étudié l’impact du cuivre sur les biofilms au niveau structurel et physiologique.

Boivin et al. ont caractérisé les effets du cuivre et de la température sur les communautés bactériennes hétérotrophes dans les biofilms photosynthétiques en utilisant plusieurs méthodes : la méthode PICT (Pollution-Induced Community Tolerance), l’étude des profils ADN en électrophorèse sur gel dénaturant (DGGE : Denaturing-Gradient Gel Electrophoresis) afin d’étudier la structure génétique, et le CLLP (Community-Level Physiological Profiling) permettant de mesurer les profils biochimiques des espèces en présence. Les biofilms étudiés sont composés d’algues et de bactéries développées sur des disques de verre incubés en laboratoire dans des eaux de polder avec du cuivre (3 µM) à trois différentes températures (10, 14 et 20°C) durant 4 semaines en comparaison avec des bacs témoins.

Après seulement 3 jours d’incubation en laboratoire, les biofilms traités au cuivre étaient différents des témoins, comme le montrent les analyses DGGE et CLPP :

analyses DGGE
Exploitation pluridimensionnelle des résultats obtenus par électrophorèse sur gel dénaturant des biofilms avant traitement au cuivre (A) et après (B). Astérisque = biofilms fraîchement collectés, losanges = biofilms après 3 jours, cercles après 10 jours, carrés après 17 jours, triangles après 24 jours.
Graphe A : en blanc biofilm témoin. En noir biofilms traités par 3 µM de Cu.
Graphe B : en blanc T°= 10°C, en gris 14°C et en noir 20°C


La tolérance au cuivre à 10 et 14°C augmente d'un facteur 3, pour un facteur 6 à 20°C. La tolérance induite dépend de l’exposition au cuivre et de la température, indiquant que la température affecte l’exposition au cuivre, les effets toxiques du cuivre ou les deux. La température a un effet sur la tolérance de la communauté, mais pas sur la structure ou sur le profil physiologique, suggérant que la température n’est pas un facteur majeur causant des changements successifs dans les conditions de laboratoire.

Les changements génétiques dans les bactéries et les profils métaboliques dans les biofilms exposés au cuivre sont sans équivoque.

Le cuivre induit directement ou indirectement des changements structuraux et physiologiques dans la communauté bactérienne des biofilms.

Le cuivre affecte la physiologie de la communauté phototrophique, par le fait qu’une diminution de la capacité photosynthétique est détectée avec la plus haute concentration de cuivre. C’est pourquoi, Massieux et al. concluent que le cuivre affecte la physiologie du biofilm et a un effet sur la structure des communautés qui le compose et que la proportionnalité des changements démontre que le cuivre est un puissant inducteur de changements de structure. Certaines équipes ont cherché à produire des alliages contenant du cuivre pour combiner des propriétés mécaniques et biocides.

Baena et al. ont cherché à développer un acier inoxydable à propriétés antibactériennes afin d’atténuer la colonisation microbienne. Ils réalisent plusieurs échantillons d’alliages d’acier inoxydable mélangés à du cuivre (3,8%) et du niobium (0,1%) chauffés à différentes températures (exposition à 550°C, 700°C et 800°C pendant 100, 200, 300, et 400 heures) et désignés C-Cu3,8Nbt. Le niobium est un élément n’ayant pas de caractéristiques antibactériennes propres mais il améliore l’effet antimicrobien du cuivre car il stimulerait la formation de particules de cuivre précipitées. Afin d’évaluer leurs propriétés antibactériennes, les échantillons sont colonisés par une souche de référence bactérienne : E. coli CCM 4517. En plus de ces échantillons, trois différentes lames témoins ont été utilisées : un acier inoxydable type AISI 304 contenant 0,5% de cuivre résiduel (désigné C-Cu0,5), un autre de type AISI 304 contenant 3,8% de cuivre et 0,1% de niobium sans traitement à la chaleur (désigné C-Cu3,8Nb) et du cuivre pur pour garantir que l’inhibition de la croissance microbienne est réellement causée par son effet toxique.

Le développement de biomasse a été réalisé avec des suspensions bactériennes de 109, 105, ou 104 UFC/mL et avec deux solutions initiales : l’une plus agressive pour l’acier inoxydable : 0,9% NaCl, l’autre moins agressive : tampon PBS.

Le comptage de bactéries viables est ensuite effectué par grattage sur les surfaces pour déterminer les populations adhérentes, et est mesuré dans le milieu pour les biomasses non adhérentes.

Les auteurs montrent que certains de leurs échantillons démontrent des propriétés inhibitrices mais jamais aussi efficaces que le matériau en cuivre seul. Kielemoes et Verstraete ont étudié l’effet bactéricide d’un alliage de cuivre et d’acier inoxydable (AISI 304 avec 3,72 % en masse de Cu) sur la colonisation microbienne en comparaison à l’acier inoxydable seul. Des échantillons de ces matériaux ont été placés dans de l’eau saumâtre naturelle pendant une période de 8 jours. Le comptage de colonies formées sur milieu R2A-agar montre une influence significative de l’alliage cuivrique uniquement durant la toute première période d’adhésion (48 heures). Selon les auteurs, ceci pourrait s’expliquer par un effet temporaire initial toxique ou bactériostatique du cuivre. La présence de cuivre dans la matrice de l’acier gêne l’adhésion des micro-organismes durant une période initiale (48 heures), alors que cet effet bactéricide disparaît après des périodes d’incubation plus longues.

Sur la base de ces résultats, les auteurs évoquent l’utilisation potentielle et en application pratique de l’acier inoxydable allié au cuivre pour éviter l'attachement de bactéries et les effets nuisibles de biofilms, dans les conditions naturelles, mais cela ne peut être efficace que pour des expositions à court terme de 1 ou 2 jours. Dans les cas où la surface est tout à fait nettoyée à intervalles réguliers, cette libération lente de cuivre biocide pourrait être intéressante.

Conclusion


Il est donc démontré que le cuivre influence le profil des populations microbiennes adhérant aux canalisations, peut réduire la production d'exopolymères et ralenti la cinétique de formation de biofilm. Les populations microbiennes dans les biofilms exposés au cuivre subissent des modifications structurelles et physiologiques, proportionnelles au niveau de contamination cuivrique.

Cependant, ces communautés microbiennes modifiées constituent des populations sélectionnées et par conséquent comme pour presque tous les agents actifs à des doses subléthales, elles sont susceptibles de générer des clones résistants au facteur de stress cuivrique.