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L’adaptation thermique : principe et mécanismes



Humphreys considère le principe suivant : « si un changement arrive dans un environnement en provoquant un inconfort, les personnes répondront par des réactions qui tendent à rétablir le confort » [Humphreys, 1998]. L’ensemble de ces réactions constituent la base de l’adaptation, elles peuvent être de différentes natures : physiologiques, psychologiques, comportementales, sociologiques ou même culturelles. Cette définition permet de distinguer l’adaptation de l’acclimatation physiologique ou psychologique puisqu’elle englobe les différents aspects et mécanismes mis en jeu. Humphreys définit ainsi le confort thermique comme étant un processus dynamique dans lequel l’occupant est un élément actif en interaction avec son environnement afin de maintenir son confort. La différence par rapport à l’approche analytique est que l’occupant n’est plus un élément passif qui subit les conditions de l’ambiance thermique. L’approche analytique, qualifiée comme statique, est basée sur une chaîne déterministe de causalité linéaire : les conditions physiques déclenchent des réponses physiologiques qui modifient l’état de confort ou d’inconfort du sujet. Les mécanismes adaptatifs se traduisent par des boucles rétroactives qui représentent les interactions dynamiques et multidisciplinaires entre l’homme et son environnement. De Dear identifie trois catégories d’adaptation selon leurs natures : comportemental, physiologique et psychologique [De Dear, 1998]. Il définit trois boucles rétroactives relatives à chaque catégorie pour représenter l’adaptation sur la chaîne linéaire de l’approche statique.



La boucle comportementale – ajustements


Les ajustements comportementaux jouent un rôle important dans l’acceptabilité des ambiances et le maintien du confort thermique. Ils sont plus ou moins conscients et peuvent devenir inconscients dans un climat ou une culture particulière. Ils peuvent être classés en quatre catégories selon leurs effets :
  1. Modifier la production de chaleur interne (réduire ou augmenter le niveau d’activité, faire une sieste, prendre une boisson chaude ou froide),
  2. Modifier les échanges de chaleur du corps avec l’environnement (ajouter/enlever une pièce de vêtement, augmenter/réduire la surface d’échange en modifiant la posture),
  3. Modifier les conditions de l’ambiance thermique (ouvrir ou fermer une fenêtre ou un store, ajuster le thermostat, déclencher un ventilateur, un climatiseur ou un chauffage d’appoint, etc.),
  4. Changer l’environnement thermique (se déplacer vers une autre pièce, renforcer l’isolement thermique des locaux, installer un store, un ventilateur de plafond, ou un climatiseur, etc.).


Représentation des mécanismes adaptatifs [De Dear, 2003].
Représentation des mécanismes adaptatifs [De Dear, 2003].


Plusieurs études ont cherché à déterminer les effets des ajustements comportementaux sur le confort thermique. Dans une étude sur l’effet de l’utilisation d’un ventilateur de plafond sur le confort d’été, Rohles a trouvé que la vitesse d’air généré par le ventilateur est l’équivalent d’un abaissement de la température ambiante de l’ordre de 4.5 °C par 1m/s de vitesse d’air, il conclut que l’utilisation du ventilateur de plafond pourrait élargir la zone de confort d’été de 26°C à 29 °C [Rholes, 1983]. Dans une autre étude, Arens a conclu que la zone de confort peut être élargie jusqu’à 31°C avec une vitesse d’air de 1m/s ou plus [Arens, 1998]. Une autre étude suggère que la consommation des boissons fraîches pendant une journée permet un rafraîchissement du corps équivalent à une réduction de 10 % du métabolisme [Yannas, 1995].

Si l’effet d’une action singulière reste limité, il s’accumule et devient significatif en cas de plusieurs actions entreprises dans un même laps de temps. Humphreys considère que le confort est assuré grâce à cette série d’actions adaptatives singulières [Humphreys, 1998].

Mais cette interaction comportementale dépend d’un certain nombre de facteurs contextuels (architecture, climat, culture, société) qui peuvent la contraindre selon les circonstances. Des fenêtres inopérables ou des codes vestimentaires présentent des restrictions pour le mécanisme comportemental d’adaptation en été, alors qu’ils posent moins de problème en hiver. Au lieu de déterminer les contraintes et les restrictions sur les différentes actions adaptatives, Baker propose d’utiliser la notion d’opportunité adaptative offerte à une personne dans un local ou un contexte donné [Yannas, 1995].

La boucle physiologique - acclimatation


L’acclimatation physiologique correspond à une réduction de la réponse humaine aux mouvements, aux vibrations ou aux chocs résultant d'une exposition cumulée ou répétée. Elle est plus évidente face à la chaleur que face au froid. Une exposition prolongée à la chaleur peut entraîner une augmentation de la sécrétion sudorale et une diminution dans les valeurs de consigne qui déclenchent la sudation. Une personne acclimatée à la chaleur présente une répartition optimisée de la sudation sur sa peau par rapport à une personne non acclimatée.

La plupart des études expérimentales réalisées suggèrent que l’acclimatation physiologique n’affecte pas l’acceptabilité et l’inconfort thermique d’une personne exerçant une activité légère sous les conditions typiques dans les bâtiments d’habitations et de bureau. [De Dear, 2003]

La boucle psychologique – accoutumance et expectative


La boucle psychologique englobe l’aspect cognitif et culturel de l’adaptation à travers les notions de l’accoutumance et de l’expectative qui peuvent influencer la perception thermique [De Dear, 98]. C’est surtout cet aspect de l’adaptation qui est exclu par les expérimentations dans les chambres climatiques. Il permet d’expliquer en partie des écarts obtenus dans les études in situ entre le confort prévu par les indices rationnels et le confort réel qui est plus proche des conditions réelles rencontrées, surtout dans les bâtiments à ventilation naturelle. Selon Humphreys, les personnes s’accoutument aux conditions rencontrées dans leurs lieux de vie habituels [Humphreys, 1998]. Elles ont une sensation chaude si l’ambiance est plus chaude que d’habitude, et froide si elle est plus froide que d’habitude. Cette adaptation par accoutumance dépend du passé thermique (expérience et mémoire) de chaque individu qui lui sert de références pour évaluer son environnement. Sa réponse, et ses réactions, dépendront de ses expectatives et de sa personnalité [De Dear, 2003].

Rohles a réalisé une étude sur l’aspect psychologique du confort thermique [Rohles, 1980]. Dans une première expérience, un petit radiateur a été installé derrière le panneau frontal des bureaux de plusieurs secrétaires. Une partie des secrétaires a été informée que le radiateur était en marche, et l’autre partie a été informée qu’il n’est pas en marche, sachant que dans les deux cas le radiateur n’était pas effectivement en marche. La température a été maintenue à 18.3 °C dans les différents locaux. Les résultats ont montré que les secrétaires qui ont été informées sur le fonctionnement du radiateur avaient une sensation plus chaude que celles qui n’étaient pas informées. Dans une autre expérience réalisée avec des sujets qui étaient informés qu’il faisait dans le local une température de 23.3 °C alors que la température réelle était de 22.2 °C, 21.1 °C ou 20 °C, il a trouvé que dans les différents cas le local était perçu aussi confortable que s’il faisait vraiment une température de 23.3 °C. Ces expériences confirment l’importance du rôle psychologique (expectative et attente) dans la perception thermique d’un local.

Si les études in situ ont permis de mettre en évidence l’adaptation psychologique, peu de travaux ont cherché à déterminer ses effets sur le confort thermique. De Dear propose de comparer les réponses des votes de confort dans les différents contextes (type de bâtiment, climat ou saison). Il cite une étude réalisée par Rowe [De Dear, 2003] dans trois types de bâtiment : bâtiments climatisés, bâtiments à ventilation naturelle, et bâtiments à ventilation naturelle munis d’équipements supplémentaires pour contrôler l’ambiance thermique. Ces derniers ont été ceux qui ont enregistrés le plus haut niveau de satisfaction. Cette étude suggère que les personnes peuvent avoir une grande tolérance quant à la variabilité des ambiances thermiques s’ils peuvent contrôler les conditions d’ambiances, comme c’est le cas des bâtiments à ventilation naturelle. Par contre, dans les bâtiments climatisés, les personnes ont une expectative élevée quant à la qualité de l’ambiance thermique, le moindre changement sera mal perçu par eux et peut même être considéré comme un risque s’ils n’ont aucun moyen de contrôle. Les résultats de l’étude de Busch confirment aussi cette hypothèse [Busch, 1990].