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Elimination des contaminants fongiques



Les moisissures qu’il convient d’éliminer des matériaux sont des microorganismes vivants et autonomes constitués de mycélium et de spores. Le mycélium s’incruste plus ou moins profondément dans l’épaisseur du matériau contaminé en fonction de la nature de celui-ci. Le plâtre et le bois sont susceptibles d’être contaminés en profondeur, les traitements de surface n’auront alors qu’une efficacité illusoire et non pérenne. Les spores sont les organes de reproduction et de dispersion du champignon ; ce sont des particules extrêmement fines très pulvérulentes susceptibles d’être véhiculées et de contaminer les personnes et d’autres matériaux sur de grandes distances.



Les mesures efficaces d’élimination des moisissures consistent à éliminer en profondeur le mycélium, à le détruire efficacement (désinfection ou incinération) et à éviter la dispersion des spores. Les recommandations élaborées par le groupe de travail sont décrites en fonction de l’étendue des zones contaminées à traiter. Nous donnerons les grands principes du nettoyage et de la désinfection des surfaces et des matériaux avant de proposer, en fonction des matériaux contaminés et des surfaces considérés un ensemble de recommandations pratiques. Le cas des inondations sera aussi évoqué sur la base des expériences de terrain des équipes sanitaires ayant pris en charge les récentes inondations des Bouches-du-Rhône (Arles, décembre 2003).

Le protocole de décontamination a trois objectifs essentiels :
  • protéger la santé des occupants,
  • protéger les personnes qui effectuent les travaux de décontamination,
  • nettoyer les matériaux contaminés ou s’en débarrasser tout en empêchant le passage de moisissures des zones contaminées aux zones propres.


Recommandations générales


⇒ (1) Protéger les occupants
  • Tenir les occupants habituels des locaux éloignés des zones à traiter ;
  • L’éloignement des personnes « à risque » (personnes âgées - enfants de moins de 12 mois – personnes greffées, immunodéprimées – malades respiratoires et allergiques chroniques) est indispensable ;
  • Les pièces contaminées seront provisoirement condamnées et interdites d’accès ;
  • Lorsqu’il s’agit de zones contaminées de grande étendue comme un mur, celles-ci seront recouvertes provisoirement d’une bâche en plastique scellée à l’aide de ruban adhésif avant le début les travaux, afin de contenir les éléments fongiques et les débris et poussières contaminés.


⇒ (2) Protéger les personnes effectuant les travaux.
Les travaux sont suceptibles de mettre en contact les personnes avec de grandes quantités de spores fongiques. Il convient donc de protéger les personnes en leur proposant :
  • Une tenue de travail spécifique et adaptée.
  • Le port de lunettes de sécurité pour ne pas exposer les muqueuses.
  • Le port d’une protection respiratoire aux caractéristiques de rétention particulaire au moins égales aux exigences FFP1 de la norme EN 149, 2001. Attention, le port d’une protection respiratoire entraîne une gêne respiratoire proportionnelle à la capacité de filtration du dispositif qui doit être correctement positionné sur le visage et protéger efficacement le nez et la bouche. Il est important de prévenir le porteur du masque de cette gêne respiratoire et thermique.

    Il y a lieu d’attirer l’attention sur la confusion qui est souvent faite entre les masques de « soins » et les appareils de protection respiratoire utilisés vis-à-vis des risques chimiques ou biologiques. Les masques de soins ne protègent pas de l’inhalation d’agents infectieux ou allergisants, leur capacité de filtration n’est en effet évaluée que dans le sens de l’expiration et les tests utilisés ne qualifient pas la qualité de l’air inspiré par le porteur du masque.

    A l’inverse, il est rappelé que les protections respiratoires répondent aux exigences de la directive européenne 89/686/CEE et doivent bénéficier d’un marquage CE. Ce sont des dispositifs qui protègent le porteur contre les aérosols de particules en suspension, qu’elles soient liquides ou solides. Les caractéristiques des protections sont définies par la norme EN 149, 2001 et répondent à des classes d’efficacité FFP1, FFP2 et FFP3 (pour filtering face piece particles). Deux éléments essentiels sont mesurés et pris en compte pour la détermination des classes d’efficacité : la capacité de rétention d’un aérosol constitué de particules de 0,01 à 1 µm de diamètre (moyenne 0,6 µm) et la mesure des fuites le long du visage.

    Capacité de rétention des particules de l’aérosol normalisé Mesures des fuites le long du visage
    FFP1 80 % 22 %
    FFP2 92 % 8 %
    FFP3 99 % 2 %
    Caractéristiques des protections respiratoires
  • Le port de gants adaptés est aussi recommandé (gants de ménage ou gants de manutention selon les tâches) pour protéger les mains des produits chimiques éventuellement utilisés (détergents, eau de javel ou autres désinfectants) et les blessures lors de la manutention des matériaux contaminés à éliminer.
  • Mise en garde : toute personne ressentant des troubles respiratoires doit cesser immédiatement tous travaux sur ou à proximité de surfaces contaminées.


⇒ (3) Protéger l’environnement
  • Les zones contaminées seront recouvertes d’une bâche en plastique scellée à l’aide de ruban adhésif avant le début les travaux, afin de contenir les éléments fongiques et les débris et poussières contaminés.
  • A l’aide de bâches en plastique, il convient de fermer hermétiquement les grilles et conduits de ventilation dans la zone de décontamination et dans les pièces voisines. Dans la mesure du possible, il est recommandé d’arrêter les systèmes de ventilation mécanique.


Principes d’hygiène générale et recommandations pour l’utilisation des détergents et désinfectants



Les méthodes efficaces pour la destruction des moisissures sont la désinfection ou l’incinération des matériaux contaminés.

Pour que la désinfection soit efficace, il convient au préalable de nettoyer les surfaces moisies à l’aide d’un produit détergent simple. Ce nettoyage sera effectué en frottant ou en grattant les surfaces pour éliminer le mycélium en profondeur, avec peu d’eau pour éviter tout risque d’humidité résiduelle des matériaux, mais tout en faisant attention au risque de dispersion des spores. Le produit utilisé est un détergent domestique sans particularité, trouvé dans les commerces de la grande distribution par exemple.

La désinfection proprement dite sera d’autant plus efficace que la quantité de spores et de mycélium à détruire sera faible.

L’eau de Javel (solution d’hypochlorite de sodium) est le produit le plus simple d’utilisation, d’usage courant et peu onéreux. Il est disponible essentiellement sous deux formes commerciales :
  • l’extrait de javel distribué en berlingot de 250 ml, titre à 9,6 % de chlore actif (% ca),
  • l’eau de javel prète à l’emploi en flacon de 1 ou 2 litres qui titre à 2,6 % ca.
Il est rappelé que l’eau de Javel est fongicide selon la norme EN 1275 (activité testée sur Candida albicans et Aspergillus niger) à la concentration de 0,036 % ca en 15 minutes à 20°C. Dans les conditions normalisées dites « conditions de saleté », selon la norme EN 1650, l’eau de Javel est fongicide à la concentration de 0,18 % ca en 15 minutes à 20°C. Enfin, lors d’essais normalisés sur des surfaces, selon la norme EN 13697, l’eau de Javel est fongicide dans les « conditions de saleté » à la concentration de 0,13 % ca.

Pour obtenir l’activité fongicide requise : élimination du mycélium et des spores dans des matériaux complexes et en présence de matière organique qui peut interagir avec l’hypochlorite de sodium et diminuer la quantité de chlore disponible, le groupe de travail propose d’utiliser une solution chlorée titrant à 0,26 % ca en tenant compte de la nécessité d’obtenir une efficacité radicale, en profondeur et rapide tout en facilitant l’étape de préparation par une dilution simple à réaliser : dilution au 1/10ème à partir de la solution prête à l’emploi, soit :
  • un berlingot (250 mL à 9,6 % ca) complété à 10 L par de l’eau froide,
  • OU
  • 500 mL d’une solution prête à l’emploi (2,6 % ca) dans 4,5 L d’eau froide,
  • OU
  • 1 L d’une solution prête à l’emploi (2,6 % ca) dans 9 L d’eau froide.
Il est rappelé également que l’eau de Javel concentrée (disponible en berlingot) ne se conserve que trois mois après sa date de fabrication (date notée sur l’emballage). En revanche, l’eau de Javel prête à l’emploi (solution à 2,6 % ca) se conserve de 6 à 12 mois.

MISE EN GARDE


  • Ne jamais mélanger de l’eau de Javel avec des produits ammoniaqués en raison de dégagements toxiques de trichlorure d’azote et de chloramine,
  • Ne jamais mélanger de l’eau de Javel avec des produits acides (produits détartrants par exemple) en raison de dégagements toxiques de chlore gazeux.


D’autres produits désinfectants commercialisés pour les établissements de santé notamment peuvent avoir une activité fongicide. Il convient de vérifier qu’ils ont une activité antifongique certifiée (activité sur Aspergillus niger selon la norme EN 1275) et de respecter les concentrations et temps de contact préconisés par le fabricant pour cette activité particulière. Attention, les concentrations fongicides ne sont généralement pas les mêmes que les concentrations d’usage courant de ces produits.

Après la désinfection, il est essentiel de bien sécher les matériaux : exposer au vent ou à la chaleur, bien aérer le local pour favoriser le séchage…

Recommandations pratiques


  • Limiter la dispersion des poussières par humidification mais sans détrempage qui risque de rendre aléatoire l’étape essentielle du séchage. ATTENTION : éviter de frotter à sec, de détremper. Il est recommandé d’utiliser des éponges ou chiffons humides.
  • Les matériaux non poreux (métaux, verre et plastiques durs) et semi-poreux (bois, béton) dont la structure est saine mais portant des traces visibles de moisissures, peuvent être nettoyés et réutilisés. Les matériaux poreux (isolant, plâtre et dérivés…) comportant plus qu’une petite surface contaminée doivent être retirés et éliminés.
  • Toute zone traitée doit être asséchée au plus vite et laissée sans contamination ni débris apparents.
  • La zone traitée et des zones adjacentes doivent être dépoussiérées avec un aspirateur équipé d’un filtre HEPA (Haute Efficacité pour Particules Aériennes).
  • Les matériaux contaminés qui ne peuvent pas être nettoyés doivent être retirés et sortis du bâtiment, une fois placés dans des sacs plastiques hermétiques. Il n’existe pas de réglementation particulière pour l’élimination des matériaux moisis. Il faut prendre toutes dispositions pour que ces matériaux ne puissent être récupérés et donc réutilisés (mise en décharge). L’incinération représente le meilleur moyen d’élimination, sans risque pour l’environnement.
  • Les éponges et chiffons utilisés pour le nettoyage doivent être éliminés.

(1) pour les petites surfaces contaminées inférieures à 0,3 m²


Le nettoyage et la désinfection peuvent être réalisées par les occupants.
L’utilisation d’une protection respiratoire (masque de protection) ainsi que le port de gants, de vêtement de protection et des lunettes de sécurité sont recommandés.

(2) pour les zones contaminées de taille moyenne : 0,3 à 3 m²


En plus de la protection individuelle respiratoire, cutanée et oculaire, la zone contaminée doit être isolée et placée en dépression pendant les travaux, en utilisant un système d’aspiration avec une évacuation extérieure munie d’un système de filtration type HEPA.
L’éloignement des personnes « à risque » (enfants de moins de 12 mois – personnes greffées, immunodéprimées – malades respiratoires et allergiques chroniques) est impérative.

(3) pour les larges zones contaminées de taille supérieure à 3 m²


La procédure est la même que pour la décontamination des zones de taille moyenne mais une dépressurisation avec un ventilateur de type industriel est recommandée. L’utilisation de produits agglutinants avant de procéder au retrait des zones souillées par les moisissures peut être préconisée.
La décontamination doit être réalisée par des professionnels formés à la manipulation de matériaux contaminés par des micro-organismes.
L’analyse microbiologique de l’air avant le retour des occupants dans les locaux peut être avantageusement proposée.