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Prévention de la reviviscence bactérienne en réseau de distribution d’eau potable


La prévention de la prolifération des biomasses fixées au sein de réseaux de distribution d’eau potable peut être réalisée à deux niveaux différents :
  • en amont de la distribution, au niveau du traitement de potabilisation, le but étant de faire des facteurs favorisant le développement des biofilms, des facteurs limitants.
  • sur le réseau de distribution lui-même, lors de son entretien, ou lors de sa conception ou des changements de conduite d’adduction du réseau, par le choix adapté de matériaux de conduites.




Prévention en amont du réseau de distribution


Hormis la désinfection, une alternative est offerte aux traiteurs d'eau afin de maîtriser la stabilité biologique de l'eau : la réduction des concentrations en matière organique et en microorganismes à l'entrée de réseau de distribution, ce qui permettrait d'une part, de diminuer la demande en chlore de l'eau et en conséquence de réduire les taux de désinfection ainsi que la formation des sous-produits d'oxydation et, d'autre part, de limiter le développement des biofilms en réseau. Ceci nécessite l'amélioration des filières de traitement actuelles.

En effet, une des méthodes de contrôle de la reviviscence bactérienne sans augmentation du taux de désinfection appliqué, est l’élimination des nutriments pendant le traitement de potabilisation de l’eau.

La réduction du carbone organique par l’utilisation d’un traitement additionnel de l’eau est favorable car cela permet :
  • l’augmentation de la persistance et de la disponibilité du désinfectant,
  • la limitation de la formation de biofilm, par création d’un facteur limitant.
L'autre méthode de contrôle du développement des biofilms est de limiter le flux de microorganismes rentrant dans le réseau de distribution, afin de limiter le développement des biofilms par adhésion de nouveaux microorganismes à sa surface.

La filière de traitement de potabilisation de l'eau s'articule autour de trois grandes étapes :
  • la clarification de l'eau brute (coagulation, floculation, décantation),
  • un traitement d'affinage,
  • une post-désinfection.
Le développement des traitements d'affinage constitue un moyen de prévention de la reviviscence bactérienne, par un abattement plus poussé du carbone organique et des microorganismes. Deux types de traitement d'affinage sont envisageables : un couplage ozone/CAG et/ou un traitement par des techniques membranaires.

Couplage Ozone/CAG


Ce traitement consiste en l'exploitation des propriétés de la molécule d'ozone à réagir avec des molécules organiques complexes pour générer des molécules de plus faible masse molaire, donc plus facile d'incorporation par les bactéries. Seul le rapport CODB/CO réfractaire est modifié, la concentration en matière organique restant globalement inchangée. L'action de l'ozone tend à faire augmenter le rapport, le carbone organique réfractaire étant transformé en CODB par coupure ou transformation chimique.

La filtration sur charbon actif en grain (CAG) constitue un procédé qui combine des phénomènes d'adsorption et de biodégradation des molécules organiques. L'orientation vers l'un ou l'autre de ces phénomènes est fonction de l'âge du CAG, de l'activité des microorganismes fixés sur le CAG, du type de molécules présentes dans les effluents et de leur structure chimique (Servais et al., 1991). La structure des particules de CAG permet le développement d'un biofilm bactérien à l'intérieur des filtres de 4 à 7 fois plus important que celui développé sur des grains de filtre à sable.

La filtration sur CAG permet la modification des concentrations en matière organique de l'eau (Ribas et al.,1997) :
  • diminution de 32,4 à 52,5% du COD,
  • diminution de 67 à 90% du CODB (ou seulement de 15 à 50%, selon l'eau considérée et la nature du filtre CAG).
L'efficacité de la filtration sur CAG dépend de la distribution du CODB dans les pools directement assimilable, rapidement biodégradable, lentement biodégradable, plus le CODB étant biodégradable, plus il sera rapidement éliminé.

Le couplage de ces deux techniques permet tout d'abord une augmentation de la biodégradabilité des molécules organiques présentes dans l'eau à potabiliser (ozonation), puis un abattement poussé de ces molécules facilement assimilables par filtration et consommation par une flore bactérienne développée sur CAG (cf. tableau VIII).

Nanofiltration


La technique de filtration membranaire est basée sur le principe de rétention physique des particules ou substances dont l'encombrement stérique est supérieur à la taille des pores de la membrane de filtration.

Différentes techniques de filtration sont utilisables, selon la taille des pores des membranes, donc selon l'objectif de qualité souhaité pour le filtrat :
  • la microfiltration, qui utilise une membrane dont la taille des pores est comprise entre 0,05 µm à quelques µm, et qui permet la rétention des bactéries, des kystes de protozoaires, des substances colloïdales.
  • l'ultrafiltration, qui permet de retenir en plus les virus, dont la taille varie de 20 à 100 nm, et une partie des composés dissous. La taille des pores varie de quelques nm à 100 nm.
  • la nanofiltration, dont les membranes permettent de retenir en plus une forte proportion de la matière organique dissoute et les ions multivalents (Ca2+, Mg2+, Fe2+, …).
  • l'osmose inverse dont les membranes présentent en plus un haut taux d'enlèvement des ions monovalents (Na+, Cl+, …) et peuvent séparer certaines molécules organiques de très faible masse molaire.
Ces techniques permettent la production d'une eau dont les caractéristiques microbiologiques, organiques et chimiques sont constantes et relativement indépendantes des caractéristiques de la ressource en eau brute, mais dépendantes du seuil de coupure des membranes.

Pour la production d'eau potable, la nanofiltration présente l'avantage d'enlever bactéries, protozoaires, virus et matière organique sans retenir les sels dissous (reminéralisation non nécessaire).

Ainsi, la mise en oeuvre de la nanofiltration permet (Anselme et al., 1993 ; Agbekodo et al., 1994 ; Sibille, 1997) :
  • l'élimination de la matière organique dissoute (COD + CODB),
  • l'élimination des microorganismes,
  • la diminution de la saveur de moisi de l'eau d'un facteur 2,
  • la production d'une eau peu consommatrice de désinfectant, pauvre en sous-produits d'oxydation.
Ainsi, cette technique membranaire permet d'éliminer entre 86 et 93% du COD et plus de 99% du CODB et des microorganismes, que l'eau d'entrée soit une eau filtrée sur sable ou une eau ayant subi un traitement O3/CAG (cf. tableau IX).
Eau filtrée sur sable Eau ozonée et filtrée sur charbon actif
Avant Après % d'élimination Avant Après % d'élimination
nanofiltration nanofiltration
COD (mg.L-1) 2,5 0,4 86 1,6 0,1 93
CODB (mg.L-1) 0,6 < 0,1 > 99 0,4 < 0,1 > 99
Cellules bactériennes (bactéries.L-1) 1,6.105 < seuil > 99 105 < seuil > 99
Tableau IX : Efficacité d'élimination des matières organiques et des cellules bactériennes par un procédé de nanofiltration appliqué à une eau filtrée sur sable ou une eau ozonée puis filtrée sur CAG (Sibille, 1998).
La nanofiltration est toutefois un procédé très peu utilisé au niveau national (Briey, Méry-sur-Oise), sa mise en place et son entretien en faisant une technique coûteuse


Au niveau du réseau de distribution


Entretien des réseaux

Cas des réservoirs


Selon le décret n°89-3 modifié, les réservoirs d'eau potable doivent être vidangés et nettoyés au moins une fois par an. Ce nettoyage consiste en un brossage manuel ou mécanique des parois internes, suivi d'une désinfection par une solution d'eau de javel concentrée. Ce nettoyage permet l'arrachement et l'élimination des biofilms.

Cas des conduites d'adduction d'eau potable


L'intervention pour entretien des réseaux est déterminée par la réalisation d'un diagnostique de nettoyage. Deux paramètres ont alors pris en compte : la turbidité et les MES. Si la mesure de ces paramètres dépasse une valeur seuil (prélèvements réalisés au niveau de bornes d'incendie, à fort débit), un nettoyage des conduites d'adduction est envisagé.

Pour le Syndicat des Eaux d'Ile de France (SEDIF), les valeurs seuils sont de 20 mg.L-1pour les MES et de 4 NTU pour la turbidité.

Ces nettoyages sur réseaux consistent en :
  • action hydraulique : le nettoyage est réalisé à haute pression au moyen d'eau seule ou d'un mélange eau-air, le premier permettant l'élimination des dépôts boueux peu incrustants, et le second permettant un décrochage plus important des dépôts par création de phénomènes de turbulence. Cependant, la consistance élastique des biofilms leur permet de résister à ces phénomènes d'arrachement physique.
  • action mécanique : le nettoyage permet l'élimination des dépôts boueux et sableux si un racleur souple est utilisé, et l'élimination des dépôts boueux et des tubercules de corrosion, si un racleur rigide est utilisé. Ces opérations n'améliorent que transitoirement la propreté du réseau, les biofilms éliminés réapparaissant au bout de 1 à 2 mois.
  • action chimique, par une chloration ponctuelle au dessus de la norme de 0,1 mg.L-1 de chlore libre sur le tronçon à nettoyer. Cette action n'est réellement efficace que sur les bactéries planctoniques, le biofilm n'étant que faiblement atteint par la chloration.
En cas de contamination grave du réseau de distribution, des traitements curatifs sont envisagés : des traitements mécaniques, par tringlage d'un outil en acier en rotation, qui ne permet qu'une élimination temporaire des biofilms, et des traitements chimiques lourds (en cas de contamination bactérienne) :
  • injection de chlore à 0,4-0,5 mg.L-1, qui permet l'élimination des bactéries planctoniques et des coliformes présents au niveau du biofilm. Cependant, cette action ne permet l'élimination totale et durable des biofilms, les bactéries indigènes étant résistantes au chlore.
  • injection d'acide paracétique (APA) à 30 mg.L-1, pendant 10 minutes sur 24 heures, et répétée 4 fois. La diminution de la densité du biofilm peut atteindre 87%. Cependant, le caractère hautement assimilable de ses sous-produits rend son utilisation occasionnelle.
  • injection de pyréthrine et perméthrine synthétique, à 10 µg.L-1, permet une élimination efficace des bactéries, crustacés et larves d'insecte. Leur utilisation est exceptionnelle, et est soumise à l'autorisation du Conseil Supérieur d'Hygiène Publique (CSHP), ces produits chimiques présentant une toxicité pour les poissons et les personnes sensibles, et notamment les dialysés rénaux.
Après la désinfection du tronçon, la consommation du désinfectant est contrôlée et la solution désinfectante est évacuée et remplacée par l'eau du réseau. Si la teneur en désinfectant est importante (supérieure à 0,5 mg.L-1, dans le cas du chlore), la solution vidangée ne doit pas être rejetée directement dans le milieu naturel, afin d'éviter tout risque de pollution. Dans ce cas une neutralisation ou une dilution doit être réalisée avant rejet.

La réhabilitation des réseaux par ces techniques chimiques lourdes présente un risque potentiel pour la santé humaine. Une planification de ces opérations est donc nécessaire et doit s'accompagner d'un système d'information des consommateurs portant sur les périodes d'interdiction de consommation, de coupure et de période de rinçage.



Evaluation de l'innocuité microbiologique des matériaux
Comme vu précédemment, certains matériaux utilisés pour le transport de l'eau potable peuvent être à l'origine de développements bactériens, notamment par relargage de composés organiques potentiellement biodégradables donc utilisables par la biomasse présente. Le maintien de la stabilité biologique au sein des réseaux et donc de la qualité de l'eau distribuée passe donc par un choix adéquat des matériaux constitutifs des canalisations. Ainsi, afin de préjuger des matériaux susceptibles d'entraîner une dégradation de la qualité microbiologique de l'eau potable distribuée, deux tests ont mis en place :
  • un test anglais BS 6920, qui permet de préjuger de l'innocuité microbiologique des matériaux en contact avec l'eau potable,
  • un test hollandais, BFP-method, qui permet d'évaluer le potentiel de formation du biofilm sur le matériau en contact avec l'eau potable.
Ces deux tests diffèrent entre autres, au niveau de leurs conditions opératoires, du paramètre de mesure de la prolifération bactérienne et du seuil de conformité maximal admissible.

Cependant, la conformité des matériaux du point de vue de la prolifération bactérienne diffère selon le test employé (Mathieu et al, 1998).

En effet, selon les résultats obtenus pour cinq matériaux différents (inox 316L, plomb, PEHD, ciment et caoutchouc) (Mathieu et al, 1998), le PEHD est microbiologiquement inerte selon le test anglais ( < 2,3 mg O2.L-1), et non conforme selon le test hollandais ( > 500 pg ATP.cm-2). Ces résultats, obtenus à partir de test de laboratoire, sont contradictoires (cf. tableau X).

Ceci pose le problème, avant le choix du matériau à utiliser, du choix du test à mettre en oeuvre pour préjuger de son innocuité microbiologique, ainsi que le problème de la représentativité de ces essais de laboratoire par rapport aux réalités de terrain, le développement de biofilms ayant été observés sur ces différents matériaux.

Test anglais BS 6920 Matériaux testés :
• inox
• plomb
• ciment
• caoutchouc
• PEHD
de 0 à 0,1 mg O2.L-1 Conforme. Microbiologiquement inerte
Test hollandais. BFP-method Matériaux testés :
• inox
• plomb
• ciment
• PEHD
de 10 à 70 pg ATP.cm-2 Conforme. Microbiologiquement inerte
Matériaux testés :
• PEHD
600 pg ATP.cm-2 Non conforme
Tableau X : tests de conformité microbiologique pour différents matériaux selon les test anglais et hollandais (Mathieu et al, 1998).
Un protocole d'essai standard et un seuil de conformité pour l'évaluation de l'innocuité microbiologique d'un matériau en contact avec l'eau potable devraient être définis, pour pouvoir répondre à ces différents choix.