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Interactions entre l’ozone et les produits de construction et de décoration



D’après la directive européenne 89/106/CEE du Conseil du 21 décembre 1998, le terme produits de construction désigne « tout produit qui est fabriqué en vue d’être incorporé de façon durable dans des ouvrages de construction, qui couvrent tant les bâtiments que les ouvrages de génie civil » [CEE, 1989]. Afin de distinguer plus nettement la notion de produits de construction et de décoration de la notion de produits de réaction, le terme « matériau » est également utilisé dans le document.



L’ozone peut réagir soit directement dans le matériau, soit au niveau de sa couche limite avec les composés adsorbés à la surface, soit dans l’air ambiant avec des COV spécifiques issus des émissions primaires des matériaux ou des réactions d’ozonolyse de composés. La figure suivante présente un schéma synthétique des interactions possible entre l’ozone et les matériaux dans les environnements intérieurs.

Interactions entre l’ozone et les matériaux dans les environnements intérieurs
Interactions entre l’ozone et les matériaux dans les environnements intérieurs


A propos des produits de construction et de décoration


Le principal processus responsable de l’émission de composés par les matériaux est le transfert de masse. Les mécanismes impliqués peuvent être soit une émission depuis la surface comme l’évaporation, la désorption et la convection, soit une diffusion dans le matériau [Tichenor, 1992]. Les émissions des matériaux sont continues et dépendent de leurs caractéristiques physiques et chimiques, de la température, de l’humidité relative ainsi que de la vitesse de l’air à la surface du matériau [De Bellis et al., 1995 ; Haghighat et De Bellis, 1998]. Ainsi, des niveaux d’émissions très différents sont obtenus dans le temps et d’un matériau à un autre. La thèse de Tiffonnet reprend en détail ces différents mécanismes responsables de l’émission de COV et d’aldéhydes par les matériaux [Tiffonnet, 2000].

Les émissions des matériaux dépendant de leurs constituants et notamment des plastifiants (produits PVC), des solvants et co-solvants (produits liquides : peintures, vernis, huiles), des monomères non polymérisés, des extraits d’essence de bois, des additifs (anti-oxydants, stabilisants, antistatiques, retardateurs de flamme) ainsi que des colorants, des agents de finition, de surface et modifiant la viscosité [Saarela, 1999]. Les liants urée-formol présents dans les panneaux à base de bois et les matériaux d’isolation thermique sont également des sources de composés. Le Tableau ci-après présente des exemples de COV et d’aldéhydes issus de différentes sources [Salthammer, 1999].
Sources possibles Composés
Plastifiants phtalates : di 2-ethylhexyl phtalate (DEHP) ; di butyl phtalate (DBP)
Solvants, co-solvants, agents de finition hydrocarbures aliphatiques : hexane ; heptane ; n-décane
hydrocarbures aromatiques : toluène ; éthylbenzène ; xylène ; 1,3,5-tmb
esters : n-butyl acétate ; éthyl acétate ; 2,2,4-triméthyl-1,3-pentanediol mono-iso-butyrate (Texanol) ;2,2,4-triméthyl-1,3-pentanediol di-iso-butyrate (TXIB)
cétones : 2-butanone ; acétone ; 4-méthyl-2-pentanone
alcools : éthanol ; 1-propanol ; 1-butanol ; 2-butanol ; 2-butoxyéthanol ;
Extraits d’essence de bois terpènes : alpha-pinène ; béta-pinène ; limonène ; longifolène ;béta-phéllandrène ; camphène
aldéhydes : formaldéhyde ; hexaldéhyde ; octanal ; décanal ; nonanal ; 2-nonénal
Monomères styrène ; vinyltoluène ; 2-phényl-1-propane ; 2-éthylhexaylacrylate ; 1,6-hexane diisocyanate
Antioxydants composés phénoliques : butylhydroxyoluène (BHT) ; phénol ; 2,4,6-tri-tert-butyl phénol
Retardateur de flamme composés organophospatés, organobromés
Exemples de COV et d’aldéhydes émis par les matériaux
Les matériaux « liquides » se distinguent par leur cycle de vie particulier. Une transformation physique fait passer le matériau d’un état liquide à un état solide suite à l’évaporation des COV et parfois suite à des réactions chimiques. Les émissions de ces produits sont très importantes durant cette première phase. Lorsque le produit atteint ses propriétés finales, les émissions de composés attendues sont nettement plus faibles [AFNOR, 2006c].

En France, il n’existe pas encore de système d’évaluation permettant de connaître le niveau d’émission des produits de construction et de décoration mis sur le marché. Or, le Plan National Santé Environnement [PNSE, 2004] vise un étiquetage de 50% des produits en 2010. Dans d’autres pays européens, différents systèmes réglementaires ou volontaires de labellisation existent afin d’évaluer le niveau maximal d’émission d’un produit par référence à un protocole [ECA, 2005]. Les émissions des matériaux sont alors évaluées en chambre d’essai d’émission, sous un régime dynamique et des conditions contrôlées (23 ± 2°C et 50 ± 5% d’humidité relative). Différents types de chambres d’essai d’émission, présentées dans le Tableau ci-après, peuvent être utilisées.
Désignation CLIMPAQ
Chamber for Laboratory Investigations of Materials, Pollution and Air Quality
FLEC
Field and Laboratory Emission Cell
WEISS « 1 m3 »
Illustration CLIMPAQ FLEC WEISS
Références
Constituants
TRA
Surface d’essai
Durée de l’essai
Gunnarsen et al., 1994
Verre
5,9 h-1
0,24 m²
28 jours
Uhde et al., 1998
Acier inoxydable
171 h-1
0,0177 m²
28 jours
-
Acier inoxydable
0.5 h-1
0.64 m²
24 heures
Caractéristiques des chambres d’essais d’émission


Disparition de l'ozone au contact des matériaux


L’ozone peut se déposer sur les surfaces des matériaux présents dans les environnements intérieurs pour ensuite réagir dans le matériau ou se décomposer. La disparition d’ozone observée est conditionnée par le matériau impliqué et les conditions de température et d’humidité [Grøntfotf, 2002].

Caractérisation de la disparition d’ozone


La réactivité de l’ozone en phase hétérogène est caractérisée par une constante de dépôt de l’ozone sur les surfaces. Cette constante de réaction de premier ordre, kd (h-1), est déterminée selon l’équation ci-dessous [Nazaroff et al., 1993] et est directement comparable au taux de renouvellement d’air.

Constante de réaction de la réaction d'ozone en phase hétérogène


avec νd la vitesse de dépôt de l’ozone (cm·s-1) et S/V le rapport surface/volume de l’environnement considéré, soit un matériau, soit une pièce, soit un logement (cm2·cm-3).

Les environnements intérieurs se caractérisent par leur ratio S/V. Selon les dimensions de la pièce, la proportion de surfaces recouvertes par des produits de construction ou de décoration ainsi que le mobilier présent, des valeurs différentes de ratios S/V sont calculées. Toute chose étant égale par ailleurs, une petite pièce aura un ratio S/V supérieur à une pièce plus grande. L’élimination de l’ozone au contact des surfaces sera d’autant plus importante que les pièces sont petites [Weschler, 2000]. De plus, les pièces contenant des moquettes ou des tapis tendent à avoir des taux d’élimination de l’ozone plus importants que les pièces où ces produits sont absents [Mueller et al., 1973 ; Sabersky et al., 1973] ; cette observation étant certainement liée à une surface spécifique plus grande pour ces produits.

La vitesse de dépôt de l'ozone sur les surfaces dépend de la nature de ces surfaces et des conditions environnementales et notamment du taux de renouvellement d’air (TRA). Selon le matériau considéré, les variations peuvent atteindre un facteur 30 [Sabersky et al., 1973] et l’application de forts TRA conduit à des vitesses de dépôt plus importantes [Nazaroff et al., 1993]. D’après ces auteurs, en l’absence de composés susceptibles de réagir rapidement avec l’ozone, la voie de décomposition majoritaire de l’ozone est un mécanisme de dissociation dépendant de l’humidité. La décomposition hétérogène de l’ozone est supposée initiée par des réactions élémentaires avec des ions OH- ou avec l’eau.


Ozone et bâtiments


Des vitesses apparentes de dépôt de l’ozone dans des habitations et des bureaux comprises entre 0,025 et 0,062cm·s-1 sont classiquement rencontrées [Weschler, 2000].

Lors des mesures effectuées dans les locaux du laboratoire de son université, Shair [1981] a déterminé une vitesse de dépôt de l’ozone égale à 0,036 cm·s-1. Une étude réalisée dans 43 maisons du nord de la Californie a mis en évidence une vitesse moyenne égale à 0,049 ± 0,017 cm·s-1 [Lee et al., 1999]. Des vitesses de dépôt supérieures ont été observées dans le cas de maisons multiples, pour un nombre de chambre inférieur à 4, pour les maisons situées dans la vallée et enfin lorsque des moquettes étaient présentes. L’étude pilote réalisée à Paris a révélé une vitesse moyenne à l’intérieur de l’habitation variant entre 0,028 et 0,15 cm·s-1 pour un ratio S/V constant [Kirchner et al., 2001 ; 2002]. Lors de cette étude, des dalles acoustiques ont été ajoutées dans l’appartement pour augmenter le ratio S/V. En présence de ce matériau adsorbant, la vitesse de dépôt apparente augmente d’un facteur 2 à 4 et conduit à la quasi-disparition de l’ozone à l’intérieur du logement (concentration résiduelle de 1 à 5 µg·m-3).


Ozone et matériaux


Suite à une exposition à l’ozone (60 – 100 µg·m-3), des vitesses de dépôt de l’ozone sur plusieurs moquettes ont été calculées [Weschler 1992b]. Les valeurs obtenues se sont avérées comprises entre 0,06 et 0,29 cm·s-1 et influencées par la nature de la surface de la moquette.

Durant ces travaux, Morrison [1999] a exposé quatre types de moquettes à 200 µg·m-3 d’ozone. Les vitesses de dépôt apparentes obtenues variaient entre 0,04 cm·s-1 à la fin de l’essai pour la moquette commerciale aiguilletée (fibres nylon), donc la moins réactive, et 0,17 cm·s-1 au début de l’essai pour la moquette résidentielle bouclée (fibres oléfines traitées anti-taches), donc la plus réactive visà- vis de l’ozone [Morrison et Nazaroff, 2000 ; 2002a].

A l’aide d’une cellule d’essai, la FLEC, Klenø et al. [2001] ont déterminé des vitesses de dépôt de l’ozone sur plusieurs matériaux à 21°C et 50% d’humidité relative. Après exposition à 100 µg·m-3 d’ozone, les vitesses de dépôt apparentes mesurées pour deux types de moquettes ont fait apparaître des valeurs de 0,032 ± 0,004 cm·s-1 et 0,07 ± 0,04 cm·s-1. L’écart entre les valeurs témoigne d’une hétérogénéité des vitesses de dépôt pour un même type de matériau. La vitesse de dépôt apparente maximale a été obtenue pour une plaque de plâtre cartonnée non revêtue avec 0,8 ± 0,4 cm·s-1. Un panneau de frêne non traité a présenté une vitesse de dépôt apparente de 0,007 ± 0,002 cm·s-1. Enfin, les deux linoléum ont été caractérisés par des vitesses de dépôt apparentes égales à 0,004 ± 0,005 cm·s-1 et 0,007 ± 0,004 cm·s-1, réciproquement.

Lors de l’établissement de tables de vitesses de dépôt de plusieurs oxydants (ozone, dioxyde d’azote et dioxyde de soufre) sur différents matériaux, Grøntoft et Raychaudhuri [2004] ont ajouté de nouvelles données issues de leurs propres essais. Les vitesses de dépôt apparentes mesurées ont été égales à 0,073 cm·s-1 et 0,081 cm·s-1 pour une moquette en laine et une moquette synthétique. Le papier peint et la peinture ont présenté des vitesses de dépôt de 0,68 cm·s-1 et 0,86 cm·s-1 tandis que la valeur maximale est apparu pour un panneau de plâtre non traité avec 0,12 cm·s-1.

Hubbard et al. [2005], ont étudié le comportement de plusieurs matériaux durant une exposition à une grande concentration d’ozone (plus de 2·103 µg·m-3). Pour chaque matériau, les vitesses de dépôt apparentes ont été calculées sans tenir compte de l’hypothèse de l’état quasi-stationnaire. Ainsi, sur la période de l’essai (16 heures), les vitesses de dépôt apparentes ont été inférieures à 0,003 cm·s-1 pour le linoléum qui présente la réaction la plus faible vis-à-vis de l’ozone. La moquette testée a été caractérisée par une vitesse de dépôt apparente moyenne d’ozone d’environ 0,01 cm·s-1 tandis qu’une valeur proche de 0,08 cm·s-1 a été atteinte pour la plaque de plâtre cartonnée.


Impact de l'ozone sur les émissions des matériaux


Ozone et bâtiments


Durant l’hiver et l’été 1993, des mesures de COV et d’aldéhydes ont été réalisées dans quatre habitations de Boston (Massachusetts, Etats-Unis). Les émissions d’acides formique et acétique, d’acétone, de butanone, et d’aldéhydes C1, C2, C4-C6 se sont révélées supérieures en période estivale où les concentrations d’ozone étaient plus importantes [Reiss et al., 1995b]. Dans une étude similaire, Zhang et Lioy [1994] ont mesuré les concentrations intérieures et extérieures de plusieurs aldéhydes ainsi que de l’ozone, dans six habitations du centre du New Jersey. Une corrélation significative, mais avec des coefficients de corrélation faibles (Spearman : 0,35 – 0,48) entre la concentration intérieure d’ozone et les concentrations de acétaldéhyde, de pentanal, d’isopentanal + pentanal et d’acide formique a été mise en évidence.

Ozone et matériaux


Plusieurs études sur des échantillons de moquettes exposés à l’ozone ont montré la présence d’aldéhydes contenant 5 à 10 atomes de carbone, n’ayant pas de précurseurs possibles en phase gazeuse [Weschler et al., 1992b ; Morrison et Nazaroff, 1999 ; 2002a ; 2002b]. Ces auteurs ont envisagé une réactivité en phase homogène avec certains composés tels que le 4- phénylcyclohexène, le 4-vinylcyclohexène et le styrène, réduisant ainsi leur concentration. Néanmoins, les produits de réaction issus de l’ozonolyse de ces alcènes ne correspondent pas aux aldéhydes détectés en concentrations supérieures en présence d’ozone, à savoir le pentanal, l’hexanal, l’heptanal, l’octanal, le nonanal et le décanal. Les analyses de Morrison et Nazaroff [1999 ; 2002a ; 2002b] ont révélé également la présence de quantités significatives de 2-nonénal. Lors de ces différentes expériences, des aldéhydes ont été identifiés même après l’arrêt de l’exposition des moquettes à l’ozone.

Les moquettes apparaissent donc comme des réservoirs d’aldéhydes qu’elles relargueraient au cours du temps, après une exposition à l’ozone. Les précurseurs possibles pour ces aldéhydes sont les acides gras insaturés comme les acides oléique, linoléique ou arachidonique présents à la surface des matériaux. Un ozonide serait formé par oxydation de ces insaturations par l’ozone, cet intermédiaire se décomposant rapidement en composés carbonylés et radicaux de Criegee [Morrison, 1999].

Une étude de l’influence de l’ozone sur les émissions d’une peinture latex a été réalisée par Reiss et al. [1995a]. Durant l’exposition à l’ozone, les concentrations des acides formique et acétique n’ont pas été modifiées et une tendance à la diminution des émissions globales a même été observée. Néanmoins, les auteurs ont justifié ce comportement par la dynamique d’émissions des peintures caractérisée par une rapide décroissance. Au contraire, la production de quantités significatives de formaldéhyde, d’acétaldéhyde et d’acétone durant l’exposition a été observée. Les auteurs ont émis l’hypothèse que ce formaldéhyde résulte de l’ozonolyse de résidus insaturés des résines vinyles présentes dans les peintures.

Les émissions de plusieurs matériaux exposés à des concentrations d’ozone comprises entre 250 µg·m-3 et plus de 4 mg·m-3 ont été étudiées [Hubbard et al., 2005]. Les produits de réaction observés étaient principalement des carbonyles avec par exemple l’hexaldéhyde pour le papier, le formaldéhdye, l’acétaldéhyde et l’acétone pour les moquettes et les linoléums. Une très grande variabilité des composés identifiés a été observée en fonction du matériau considéré.

Les réactions entre l’ozone et les matériaux peuvent également être source de particules submicroniques. Une augmentation importante du nombre de particules a été observée lors de l’exposition d’un panneau de cyprès japonais et d’un panneau de cèdre à 200 µg·m-3 d’ozone [Aoki et al., 2005].

Une caractérisation chimique et olfactive des émissions de huit matériaux exposés à l’ozone a été réalisée par Knudsen et al. [2003]. Le changement de perception des émissions issues d’une exposition à l’ozone est apparu dépendant du type de matériau considéré. Les effets les plus importants ont été observés pour les moquettes : l’intensité olfactive s’est avérée supérieure pour l’échantillon soumis à un flux d’ozone. Cette observation combinée à une préférence également influencée par l’ozone a conduit à une évaluation sensorielle négative des moquettes. Le lambris en pin et la plaque de plâtre cartonnée peinte ont présentées les mêmes conclusions, mais de façon moins prononcée.