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Les infections nosocomiales contractées


L’air contient un nombre important de micro-organismes. Cette pollution microbiologique est présente sous la forme d’aérosols. Ceux-ci sont constitués d’agrégats de particules inertes, solides ou liquides, en suspension dans l’air. Parmi ces agrégats, certains véhiculent des micro-organismes de toutes natures. Ces agrégats contenant du matériel microbiologique sont appelés bioaérosols. La taille des agrégats varie entre 0,5 et 30 µm. Les germes habituellement retrouvés sont présentés dans la Figure 1. Certains micro-organismes ont acquis une résistance accrue dans l’environnement grâce à leur forme sporulée (bactérie de type Clostridium, moisissure de type Aspergillus) ou à la présence d’une couche lipidique pour les virus enveloppés.



Schéma heuristique des principaux bioaérosols dans l’air intérieur
Figure 1 : Schéma heuristique des principaux bioaérosols dans l’air intérieur


Modes de transmission


Les réservoirs microbiens sont de deux types distincts : le réservoir vivant (individu ou animal) et le réservoir inerte (surface, air…). Les micro-organismes, quant à eux, sont classés en trois grandes catégories selon leur origine et leur pouvoir pathogène : les micro-organismes saprophytes issus du milieu extérieur, les micro-organismes commensaux d’origine humaine ou animale, et les micro-organismes pathogènes ayant eux aussi une origine humaine. Les micro-organismes saprophytes sont prépondérants dans le bioaérosol. En effet, celui-ci est composé principalement de bactéries du genre Bacillus et de moisissures. Néanmoins, la flore saprophyte peut contenir des germes opportunistes tels que l’Aspergillus, les légionelles et le bacille pyocyanique. La flore commensale est essentiellement représentée par les bactéries d’origine cutanée, ORL et plus rarement digestive. Elle est composée principalement de bactéries (Staphylocoques à coagulase négative, Corynébactéries, Proprionibacterium acnes, Haemophilus sp.). Les micro-organismes pathogènes, enfin, sont liés à la présence humaine uniquement (malades et porteurs sains). Il peut s’agir par exemple de Mycobacterium tuberculosis.

Classiquement, la présence de micro-organismes dans l’air peut être reliée à quatre facteurs :
  • l’homme ou l’animal (appelé organisme hôte) émet en permanence des gouttelettes salivaires et nasales, ainsi que des squames contenant ses propres germes. La présence d’une infection chez l’organisme hôte amplifie la contamination environnementale.
  • les réservoirs d’eau renfermant des germes peuvent être la source de microgouttelettes contaminant l’air. Ce mécanisme est classiquement décrit pour les exutoires tels que les pommes de douche, ou pour les nébuliseurs et les humidificateurs. Deux bactéries sont typiquement associées à ce mode de contamination : les légionelles et le bacille pyocyanique.
  • la présence de surfaces humides, favorisant la prolifération et la dissémination de micro-organismes peut également donner lieu à la présence de polluants aériens microbiologiques en quantité inhabituelle. Les moisissures, notamment, se développent fort bien sur ce type de support, et envoient ensuite leurs spores dans l’air afin de pouvoir se reproduire.
  • les poussières déposées sur les surfaces peuvent être porteuses de germes et contaminent alors l’air lors de leur remise en suspension. En milieu hospitalier, c’est le risque aspergillaire qui vient à l’esprit lorsque que l’on évoque ce mode de contamination.
Comme nous venons de le mentionner, l’homme et l’animal émettent continuellement des micro-organismes dans l’air sous forme de squames ou de gouttelettes. Pour ces dernières, deux types sont décrits dans la littérature :
  • Les gouttelettes bactériennes de Pflügge
    Ces gouttelettes ont une taille importante (environ 100µm), engendrant par là même une vitesse de sédimentation importante. Cette caractéristique induit une contamination dense mais localisée. Ces gouttelettes en séchant se transforment en droplet nuclei.
  • Les droplet nuclei
    Ces gouttelettes possèdent une taille de 2 à 3µm. Cette petite taille leur assure une vitesse de sédimentation lente et donc une longue persistance dans l'air. Elles sont brassées par les flux d’air et peuvent se disséminer plus facilement dans l’environnement.
Concernant les risques microbiologiques, les établissements de santé se révèlent être un milieu plus complexe que les établissements recevant du public. En effet, les établissements de santé doivent à faire à une problématique triple :
  • protéger et isoler les patients,
  • protéger le personnel,
  • protéger les visiteurs.


Pour les patients, les infections liées à l’air répondent à la définition de l’infection associée aux soins. Pour mémoire, le CTINILS a défini l’infection associée aux soins comme une infection :
  • qui survient au cours ou au décours d’une prise en charge (diagnostique, thérapeutique, palliative, préventive ou éducative),
  • ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge. Classiquement, un délai d’au moins 48 heures est admis pour affirmer l’IAS, à moins que la période d’incubation ne soit connue (auquel cas le délai entre l’admission et la survenue des signes cliniques doit bien entendu être supérieur à la durée d’incubation),
  • pour les infections du site opératoire, elles sont considérées comme associées aux soins lorsqu’elles surviennent dans les 30 jours suivant l’intervention ou, s’il y a mise en place d’un implant, d'une prothèse ou d’un matériel prothétique dans l’année qui suit l’intervention.
Il n’existe aucune estimation dans la littérature de la prévalence des infections associées aux soins liées à l’air. Seul Brachman en 1970 avait estimé ce taux à 10-20% en incluant les transmissions inter-humaines aéroportées, mais l’absence de publications récentes et « evidence-based » montre bien les difficultés d’apprécier cette prévalence.

Les micro-organismes d’origine humaine


Comme nous l’avons évoqué, l’homme est le principal générateur de la flore commensale et pathogène présente dans l’air. Les établissements de santé accueillant des patients porteurs symptomatiques ou non de germes potentiellement résistants aux antibiotiques doivent faire face à un bioaérosol particulier. Ainsi, l’accueil de patients infectés au niveau de la sphère ORL et au niveau pulmonaire est un facteur important de contamination de l’air. Pour lutter contre la diffusion de ces micro-organismes, les hygiénistes ont mis en place une série de mesures de prévention. Ces mesures de prévention comprennent entre autres : le respect des précautions standard et particulières (port d’équipements de protection individuels), la création de chambres spécialisées ou les regroupements spatio-temporels lors des épidémies. La persistance dans l’environnement de certains types de bioaérosols, notamment les droplets nuclei, nécessite en outre l’introduction de techniques spécifiques complémentaires pour limiter leur diffusion vers les personnels, les visiteurs ou vers d’autres patients.

=> La tuberculose
La tuberculose représente l’archétype des infections ayant une transmission interhumaine liée à l’air. En France, le germe le plus fréquemment isolé est Mycobacterium tuberculosis, mais d’autres espèces sont également décrites en pathologie humaine (Mycobacterium africanum, Mycobacterium bovis). Les Mycobacterium spp. sont des bacilles acido-alcoolo-résistants. Ils ont une taille comprise entre 2 et 5µm.

Le réservoir de Mycobacterium tuberculosis est strictement humain. Toutefois, Mycobacterium tuberculosis possède également une résistance accrue dans l’environnement, notamment une résistance aux désinfectants.

Le mode de transmission de M. tuberculosis est essentiellement respiratoire. Des bactéries sont émises par les patients infectés au niveau pulmonaire. La période de contagiosité retenue est de 3 mois avant l’apparition des signes cliniques.

En France, en 2009, le système de déclaration obligatoire a recensé 5 276 cas de tuberculose maladie (soit 8,2 cas pour 10 000 habitants). Cette prévalence a diminué de 8,4% entre 2008 et 2009. Les formes pulmonaires représentaient 73 % des cas, dont 53% présentaient un examen direct des expectorations positif.

=> Les infections du site opératoire
La notion de qualité de l’air a trouvé son origine dans les blocs opératoires pour les établissements de santé. En effet, jusqu’à la seconde moitié du 19ème siècle, l’infection postopératoire est à l’origine d’une mortalité importante. C’est Lister qui introduit le premier la notion d’antisepsie dans les blocs opératoires. Ce faisant, il réduit la mortalité postopératoire de 45% à 15% pour les amputations. Pour mémoire, les infections du site opératoire (ISO) sont des infections qui surviennent dans les 30 jours après un acte chirurgical ou dans l’année si un corps étranger a été posé. De nombreuses études ont concerné les facteurs de risque d’acquisition d’une ISO. Néanmoins, peu d’études s’intéressent plus particulièrement à la relation entre la qualité microbiologique de l’air et taux d’infections du site opératoire.

Lidwell en 1987 a réalisé une étude randomisée multicentrique portant sur plus de 8 000 arthroplasties de hanche et de genou. Dans son étude, Lidwell s’intéresse à l’influence de l’antibioprophylaxie et du type de flux d’air sur le taux d’ISO. Il réussit à mettre en évidence que le passage à une ventilation par flux unidirectionnel entraîne une diminution du taux d’ISO de 3,4% avec un flux turbulent à 1,6% avec un flux unidirectionnel. L’introduction de l’antibioprophylaxie seule entraîne une baisse des ISO de 3,4% (sans antibioprophylaxie) à 0,8% (avec antibioprophylaxie). L’introduction simultanée du flux unidirectionnel et de l’antibioprohylaxie entraîne quant à elle une baisse de 3,4% d’ISO (sans mesure de prévention) à 0,7% d’ISO (avec les 2 mesures mises en place). Ainsi, si le gain le plus important en termes de diminution du taux d’ISO est obtenu lors de la mise en place d’une antibioprophylaxie, il n’en demeure pas moins que le flux unidirectionnel introduit un léger gain supplémentaire. Une seconde étude, de Ferrazzi, met elle aussi en évidence une diminution du taux d’ISO selon le flux d’air. Cette étude compare les taux d’ISO en chirurgie cardiaque sur trois périodes au cours desquelles les pratiques chirurgicales ont évolué. Au fur et à mesure de l’amélioration des conditions d’asepsie, le taux de médiastinites passe de 1,7%, à 0,6% et enfin 0,1%. Ferrazzi met en évidence une différence significative entre les 2 premières périodes et attribue cette diminution à la mise en place des flux unidirectionnels dans les salles d’opérations. Néanmoins, ces résultats sont à relativiser en raison de l’absence d’ajustement sur les autres changements de pratique. Ces évolutions concernaient notamment l’encadrement de l’équipe chirurgicale, la pratique de l’antibioprophylaxie…

contrario, trois autres études ne montrent pas de différence dans les taux d’ISO après amélioration du taux de renouvellement d’air (passage de 16 à 25V/h) ou en équipant la salle d’un système de ventilation nouveau ou amélioré. L’étude d’Ayliffe rapporte même une élévation du taux d’ISO de 8,8 à 12,6% lors du passage d’un bloc non ventilé à une ventilation par flux non unidirectionnel.

Enfin, une étude de Whyte en 1992 portant sur 185 patients de chirurgie biliaire met en évidence la forte responsabilité de la flore biliaire par rapport à la flore de l’air dans la survenue d’ISO. L’étude de Whyte est confortée par l’étude de Bitkover où il est rapporté que la contamination des plaies opératoires de 20 patients de chirurgie cardiaque opérés sous flux unidirectionnel provenait soit du patient soit de l’équipe opératoire.

Ainsi, les données scientifiques restent pauvres concernant une relation entre la biocontamination de l’air du bloc opératoire et le taux d’ISO. Néanmoins, les experts de la Société Française d’Hygiène Hospitalière s’accordent d’une part sur le fait que le flux unidirectionnel n’a pas prouvé sa supériorité sur le flux non unidirectionnel en dehors des poses de prothèses articulaires de genou et de hanche, et d’autre part sur le fait que la contamination des plaies (en dehors des plaies issues de chirurgies propres) est essentiellement liée à la flore du patient.

De la même manière, les données concernant la place des moisissures dans les infections du site opératoire sont limitées. Néanmoins, une revue de la littérature récente de Pasqualotto et Denning nous rappelle que le risque existe. Cette revue a retrouvé près de 500 cas d’aspergillose post-opératoire dans tous types de chirurgie. La plupart de ces infections ont pu être mises en relation avec une contamination du matériel, et plus rarement de l’air. Concernant les virus, leur transmission aéroportée ou par gouttelettes en bloc opératoire n’est pas documentée dans la littérature. Les patients étant fréquemment intubés au bloc opératoire, l’implication des virus aéroportés semble peu probable dans la survenue d’infections associées aux soins.

=> Les infections respiratoires nosocomiales
La survenue d’infections respiratoires nosocomiales liées à des bactéries est évoquée dans la littérature : notamment pour Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Bordetella pertussis. Lorsqu’une transmission croisée (de patient à patient) est suspectée, une des hypothèses de transmission réside en l’inhalation par un patient non infecté d’un aérosol de gouttelettes de Pflügge provenant d’un patient infecté. Cette notion de transmission croisée est cependant assez difficile à prouver lorsque les germes infectieux sont des bactéries commensales. Habituellement, la mise en place de précautions complémentaires de type gouttelettes (chambre seule pour le patient infecté, port de masque pour les soignants et visiteurs entrant dans la chambre…) permet de juguler rapidement tout phénomène épidémique bactérien de transmission purement aérienne.

Néanmoins, les causes les plus fréquentes d’infections respiratoires nosocomiales ne sont pas les bactéries ; il s’agit des virus. Les virus sont des « parasites » intracellulaires obligatoires constitués d'un acide nucléique (ADN ou ARN), d'une capside protéique, et, pour certains, d’une enveloppe (souvent phospholipidique) et insensibles aux antibiotiques. Les infections virales représentent la majorité des syndromes infectieux dans la population générale. Elles sont généralement rythmées par les saisons ; par exemple la grippe connaît toujours un pic épidémique en période hivernale. De la même manière que dans le milieu communautaire, les infections virales représentent une cause non négligeable d’infections nosocomiales respiratoires. Leur prévalence est souvent évaluée à 5% des patients hospitalisés. Toutefois, cette prévalence est largement sous-estimée, du fait des difficultés de surveillance mais aussi de diagnostic délicat du caractère nosocomial. Il existe également une grande disparité de prévalence selon les services. En effet, en pédiatrie, la prévalence avoisinerait les 25% des enfants hospitalisés, voire même les 2/3 en période épidémique. Les infections nosocomiales virales sont rythmées par les infections virales communautaires. Les virus les plus fréquemment mis en cause sont le Rotavirus, responsable de gastro-entérite, et le Virus Respiratoire Syncytial (VRS), responsable d’infections des voies respiratoires.

Les infections nosocomiales virales présentent quelques caractéristiques qui les différencient des infections nosocomiales bactériennes et fongiques. Ainsi, majoritairement, l’origine des infections nosocomiales virales est communautaire (autres patients, visiteurs, personnels). De plus, les périodes d’incubation sont très variables selon les virus (alors qu’au contraire, l’incubation des infections bactériennes et fongiques est classiquement estimée de manière standardisée à 48-72 heures) (Tableau I). La répartition des sites infectieux les plus fréquents est également différente : les infections virales touchent préférentiellement les sphères digestive, respiratoire, hépatique et cutanéomuqueuse. Une problématique pour les professionnels de santé réside dans le nombre important de porteurs asymptomatiques. Ces derniers participent largement à la diffusion du virus en établissement de santé.
Agent infectieux Incubation
Adénovirus 6 à 10 jours
Cytomégalovirus 10 à 21 jours
Rotavirus 1 à 2 jours
Varicelle Zona Virus (VZV) 13 à 21 jours
Virus Respiratoire Syncytial (VRS) 2 à 6 jours
Tableau I : Durée d’incubation de quelques agents infectieux viraux
La structure des virus leur confère une résistance accrue dans l’environnement. Les virus enveloppés (enveloppe lipidique) sont plus sensibles aux agents physico-chimiques (dessiccation, tensio-actifs…). Dans l’environnement, la survie des virus sur les surfaces inertes est très variable, allant de quelques heures pour les plus sensibles (par exemple, le cytomégalovirus) à plusieurs mois pour les plus résistants (par exemple, le rotavirus).

Comme pour les bactéries et les fungi, les voies de transmission des virus sont nombreuses : digestive, oro-fécale, cutanée, sanguine et respiratoire. Les virus présentés dans le Tableau II sont connus pour se transmettre par voie des gouttelettes ou par voie aérienne. Les petites tailles des virus leur permettent de rester longtemps en suspension. Néanmoins, leur association avec les matières organiques conduit une grande partie des virus expectorés à sédimenter relativement rapidement.
Virus enveloppés Virus nus
Coronavirus Adénovirus
Oreillons Entérovirus
Rougeole Rhinovirus
Rubéole
Virus influenza A et B
Virus para influenza
VRS
VZV
Tableau II : Exemples de virus aérotransportés
En revanche, la transmission virale par l’air est préoccupante dans les services de soins. En témoignent les épidémies de grippe ou encore le SRAS, où la diffusion par l’air des virus a favorisé l’éclosion et la diffusion de l’infection dans les bâtiments. Une étude réalisée en 2009 par Blachere et al. met d’ailleurs clairement en évidence une relation entre la présence dans l’air d’une unité d’accueil des urgences de virus Influenza et la présence de patients présentant un syndrome grippal.

Les micro-organismes d’origine environnementale


La flore saprophyte de l’air hospitalier n’est que rarement mise en cause dans les infections nosocomiales comparativement à la flore commensale. Cependant, il est avéré que l’air est le vecteur de micro-organismes opportunistes présents dans l’environnement. Nous aborderons successivement les infections bactériennes environnementales, majoritairement représentées par les infections à Legionella spp. et Pseudomonas aeruginosa, puis les infections fongiques représentées par Aspergillus spp. Le réservoir de ces germes étant environnemental, la prévention de l’infection associée aux soins passera par la suppression ou la maîtrise de leur réservoir en établissement de soins. Les virus, toujours d’origine animale ou humaine, ne seront pas abordés dans ce chapitre.

=> Les infections bactériennes
Les Pseudomonas spp. sont des bacilles à Gram négatif. Ils sont retrouvés à l’état saprophyte dans l'eau et les sols humides, mais aussi à l'état commensal dans l'intestin, ou plus rarement sur la peau et les muqueuses humaines. Parmi le genre Pseudomonas, Pseudomonas aeruginosa est l’espèce la plus impliquée dans les infections chez l’homme. Du fait de son ubiquité dans les milieux hydriques, cette bactérie est régulièrement retrouvée dans les eaux de boisson et de distribution, imposant une surveillance étroite de sa présence en établissements de santé. Une attention particulière sera portée à tous les réservoirs où l’eau peut être stagnante (siphons d'éviers, chasses d'eau, piscines, bains bouillonnants, humidificateurs, nébuliseurs, respirateurs artificiels...). En 2006, l’enquête de prévalence nationale française a mis en évidence un taux d’infections nosocomiales à Pseudomonas aeruginosa d’environ 10%. Ce germe, modèle parmi les bactéries pathogènes opportunistes, est à l’origine de nombreuses infections, surtout chez les patients aux défenses immunitaires affaiblies (infections pulmonaires, cutanées, septicémies…). Le taux d’infections associées aux soins liées à un P. aeruginosa d’origine environnementale est inconnu.

Les Legionella spp. sont des bacilles à Gram négatif. Elles sont retrouvées à l’état saprophyte dans l’eau et les sols humides. Elles se développent de manière optimale entre 25 et 45°C, et présentent la particularité de pouvoir survivre à l’intérieur des amibes et des protozoaires ; cette propriété leur confère une grande résistance dans l’environnement. Ces caractéristiques imposent leur surveillance dans les réseaux d’eau chaude sanitaire et dans les équipements générant des aérosols d’eau tempérée comme les tours aéro-réfrigérantes. En établissement de santé, la contamination nosocomiale des patients a lieu surtout par l’inhalation d’un aérosol de Legionella spp. généré lors d’une douche. Plusieurs espèces de Legionella spp. sont décrites comme pathogènes pour l’homme, mais Legionella pneumophila, notamment le sérogroupe 1, est retrouvée dans plus de 90% des cas de légionelloses. La forme clinique principale est la maladie des légionnaires. Elle débute, après une incubation de 2 à 30 jours (incubation médiane entre 10 et 15 jours), par un syndrome pseudogrippal. En l'absence d’antibiothérapie adaptée, le taux de mortalité peut atteindre 15 à 20%. En France, une incidence de 2,4 cas pour 100 000 habitants est rapportée en 2010. De manière récente, l’InVS a d’ailleurs signalé une recrudescence des infections à Legionella, sans avoir pour l’instant réussi à identifier formellement les causes de cette augmentation.

=> Les infections fongiques
Lorsque les infections fongiques d’origine environnementales sont évoquées, le premier nom qui vient à l’esprit est classiquement celui d’Aspergillus fumigatus. Néanmoins de nombreuses autres espèces de moisissures peuvent être mises en évidence dans l’air intérieur. Les moisissures sont souvent recherchées dans les zones à très haut risque infectieux ou pendant les périodes de travaux dans les établissements de santé. Dans un guide récent, la SF2H propose une classification des champignons potentiellement pathogènes et disséminés lors de travaux (du plus fréquent au plus rare) :
  • Aspergillus fumigatus
  • Aspergillus non fumigatus (A. flavus, A. niger, A. terreus, A. nidulans…)
  • Fusarium sp. (F. solani, F. oxysporum, F. moniliforme)
  • Zygomycètes (Rhizopus sp., Mucor sp., Absidia sp., Cunninghamella sp. …)
  • Scedosporium sp. (S. apiospermium, S. prolificans)
  • Dermatiées (Alternaria sp., Exophilia sp., Ulocladium sp., Scopulariosis sp. Curvularia sp.)
  • Acremonium sp.
  • Paecilomyces sp.
  • Trichoderma sp.
M. Sautour & al. ont étudié le profil et la saisonnalité des moisissures présentes dans l’air intérieur (unité d’hématologie pédiatrique et adulte) et extérieur du Centre Hospitalo- Universitaire de Dijon. Sur 12 mois de surveillance, 52 prélèvements d’air extérieur et 352 d’air intérieur ont été réalisés. La concentration moyenne était de 122,1 UFC/m3 pour l’air extérieur et de 4 UFC/m3 pour l’air intérieur. Dans l’air extérieur, le genre prédominant était Cladosporium spp. (55%), suivi de Penicillium spp. (17%), puis de moisissures nonsporulantes (11%), d’Alternaria spp. (7%) et d’Aspergillus spp. (4%). Dans l’air intérieur, le genre prédominant était Penicillium spp. (environ 24%), suivi d’Aspergillus spp. (environ 19%), de Bjerkandera spp., d’Alternaria spp. et de Cladosporium spp. Les charges fongiques évoluent selon le cycle naturel de développement des champignons dans la nature, Ainsi, la charge fongique était plus haute en été (168 UFC/m3) qu’en hiver (49 UFC/m3) pour l’air extérieur, mais elle restait stable en air intérieur. Dans cette étude toutefois, la charge fongique décrite pour l’air extérieur est inférieure à celle retrouvée dans d’autres études de la littérature : 13 960 UFC/m3 pour Fang et al., 102 000 spores/m3 pour Solomon et son équipe et 3 150 UFC/m3 pour Pini et al. L’utilisation de méthodes d’échantillonnage et de culture différentes rend néanmoins difficile toute comparaison entre ces auteurs. Une étude réalisée en 2005 par Curtis & al. retrouvait la même répartition en terme de genres fongiques entre l’air intérieur et extérieur.

Il est toutefois difficile d’extrapoler les résultats quantitatifs obtenus pour l’air intérieur par l’équipe dijonnaise (concentrations retrouvées pour les différentes moisissures identifiées) à d’autres services ou hôpitaux. En effet, au cours de cette étude, l’air intérieur n’a été prélevé que pour des chambres d’un secteur d’hématologie équipées d’une unité mobile de traitement de l’air de type Plasmair®. Il en va de même pour l’air extérieur, puisque des travaux avaient lieu pendant toute la période de prélèvements. D’autres études doivent donc être analysées pour appréhender les quantités de moisissures présentes habituellement dans l’air intérieur et extérieur des établissements de santé.

En 2007, Kim & al. ont étudié la contamination bactérienne et fongique de 5 hôpitaux de Corée du Sud. La répartition en terme d’espèces fongiques est la même que dans les études précédentes. Cette étude a la particularité de s’intéresser à la contamination microbiologique en dehors des périodes de travaux et dans des services peu étudiés comme les unités de soins intensifs, les unités de chirurgie, les laboratoires d’analyse et les locaux communs.
Locaux communs Unités de soins intensifs Services de chirurgie Laboratoire d’analyse
UFC/m3 % UFC/m3 % UFC/m3 % UFC/m3 %
Cladosporium spp. 48 31 23 35 28 29 44 35
Penicillium spp. 37 24 18 28 25 26 31 25
Aspergillus spp. 27 17 10 15 18 19 18 14
Alternaria spp. 21 13 8 12 11 11 15 12
TOTAL 156 100 65 100 96 100 126 100
Tableau III : Contamination fongique de 5 hôpitaux de Corée du Sud
Peu de détails sont fournis concernant les systèmes de traitement d’air mis en oeuvre dans ces services. Il est simplement précisé qu’il s’agit d’une ventilation mécanique. Les prélèvements sont réalisés à 1,5m de hauteur, en journée et donc en période d’activité.

Nous venons de voir que le genre Aspergillus spp. est le premier genre pathogène retrouvé dans l’air intérieur, que ce soit pendant les périodes de travaux ou non. Dans la suite de ce chapitre, nous nous intéresserons donc plus particulièrement à ce genre et à son impact en termes d’infections associées aux soins.

Les Aspergillus spp. sont des moisissures à filaments cloisonnés et hyalins, appartenant à la famille des Aspergillaceae, et à la classe des Ascomycètes. Le genre compte près de 200 espèces dont certaines sont pathogènes pour l’homme. Comme les autres moisissures, Aspergillus spp. est ubiquitaire. Ces champignons se développent sur les débris de matières organiques, dans le sol et sur les végétaux dans des conditions humides. Les Aspergillus spp. produisent des spores de très petite taille (2 à 4µm de diamètre), ce qui leur permet de se disséminer partout et d’être propagées par l’air. Les spores sont très résistantes dans l’environnement où leur survie sur une surface inerte peut atteindre plusieurs mois. La contamination des patients passe par l’inhalation : les spores sont impactées dans les voies aériennes supérieures et inférieures. Plus rarement, le dépôt de spores dans une plaie peut être responsable d’une infection localisée.

Parmi les facteurs de pathogénicité d’Aspergillus, on retrouve la petite taille des spores permettant d’atteindre les alvéoles, une thermophilie marquée (surtout pour Aspergillus fumigatus, qui supporte les températures supérieures à 45°C), une capacité d’adhérence à la membrane basale, un tropisme vasculaire et la production de mycotoxines.

L’aspergillome et l’aspergillose pulmonaire invasive représentent les 2 formes infectieuses les plus fréquentes. L’aspergillome résulte de la colonisation d’une cavité préformée et aérée (séquelle de tuberculose par exemple). L’aspergillose pulmonaire invasive se caractérise par l’envahissement des bronches, des vaisseaux sanguins. Cette infection est de très mauvais pronostic. Le facteur de risque le plus important pour l’acquisition d’une aspergillose pulmonaire invasive est l’immunodépression, qu’elle soit d’origine pathologique ou induite par une thérapeutique. Son diagnostic est difficile et doit être évoqué chez ces patients à risque devant tout syndrome infectieux résistant aux antibiotiques. L’European Organisation for Research and Treatment of Cancer (EORTC) a proposé une classification des aspergilloses en 3 catégories selon le niveau de preuve d’infection du patient :
  • infection prouvée : mise en évidence du champignon par examen direct ou culture à partir du sang et de prélèvements tissulaires ou de sites normalement stériles,
  • infection probable : 1 critère lié à l’hôte, 1 critère clinique et 1 critère mycologique,
  • infection possible : 1 critère lié à l’hôte et 1 critère clinique.
Les critères sont présentés dans le Tableau IV.
Critères liés à l’hôte Critères cliniques Critère mycologiques
Neutropénie récente < 500/mm3 pendant + de 10j

Allogreffe de moelle

Corticothérapie prolongée
Dose minimale de 0,3 mg/kg/j pendant plus de 3 semaines

Traitement immunosuppresseur dans les 90 jours précédents

Déficit immunitaire constitutionnel
Infection respiratoire basse
Au moins un des 3 signes suivants :
- lésion dense, bien limitée, avec ou sans halo
- croissant gazeux
- cavité

Trachéobronchite
- ulcération, nodule, pseudomembrane, plaque, ou escarre

Infection naso-sinusienne
Au moins un des 3 signes suivants :
- douleur aiguë localisée
- ulcère nasal avec zone de nécrose
- oedème péri-orbitaire

Infection du SNC
Au moins 1 des 2 signes suivants :
- lésions focales à l’imagerie
- prise de contraste méningée en scan ou IRM
Détection directe par examen cytologique, microscopie ou culture d’un champignon filamenteux dans un crachat, un LBA, une aspiration sinusienne ou un brossage bronchique

Détection indirecte
Antigène Galactomannane dans le LCR, LBA, plasma ou sérum
Tableau IV : Critères diagnostiques d’Aspergillose Pulmonaire Invasive (EORTC)
Une revue de littérature ancienne de D.W. Denning a retrouvé les incidences suivantes d’aspergillose invasive selon la pathologie sous-jacente (Tableau V).
Pathologie Incidence en %
Transplantation poumon et coeur-poumon 19 à 26
Leucémie aiguë 5 à 24
Allogreffe de moelle 0,5 à 9
SIDA 0 à 12
Transplantation hépatique 1,5 à 10
Transplantation rénale et cardiaque 0,5 à 10
Grand brûlé 1 à 7
Lupus 1
Tableau V : Incidence des aspergilloses invasives selon la pathologie sous-jacente
La mortalité liée à l’aspergillose pulmonaire invasive peut atteindre 90%. Elle reste élevée malgré une prise en charge adaptée par antifongique. La prévention est donc primordiale.

Dans la littérature, une publication a étudié le lien entre la contamination aérienne en Aspergillus spp. et la survenue d’une aspergillose pulmonaire invasive. La contaminationde l’air et des surfaces par des Aspergillus spp. est liée significativement avec l’augmentation de l’incidence d’aspergillose dans les services d’hématologie (p = 0,002). De plus, l’actualité récente d’une réanimation des hôpitaux de Marseille nous rappelle que la conception des réseaux d’air et la qualité d’air sont primordiales pour protéger les patients à risque.